No Zombies 1/4 - Le livre de Joseph
Publié le
19.11.21
Par
GriZZly
"Et si ce qu'il manquait à toutes les histoires de zombies, c'était simplement un vaccin ?"
Voilà la phrase d'accroche de la nouvelle collection, en quatre volumes, consacrée aux zombies des éditions Soleil. Ça pourrait sembler un peu présomptueux de prétendre apporter à un genre déjà abordé par maints auteurs un nouvel élément qui manquerait à la recette... mais c'est une hypothèse de travail qui est ici avancée par quelqu'un qui s'est déjà frotté au genre puisque le scénariste de ces quatre albums n'est autre qu' Olivier Peru (Elfes, West legends, Orcs et Gobelins, Médicis, Brocéliande, Androïdes, Mjöllnir, Les Maîtres inquisiteurs, Oracle, Lancelot, In Nomine) qui est déjà à la base des très sympathiques séries Zombies et Zombies néchronologies chez le même éditeur.
Nul besoin ici, donc, de s'embarrasser à raconter les origines du fléau : l'auteur l'a déjà fait à plusieurs reprises.
Ce qui va ici nous intéresser sera, au contraire, la façon dont peut renaître l'espoir sur une Terre dévastée par l'apocalypse zombie que nous vend la pop culture depuis des décennies.
En quatre albums dont chacun se concentrera sur un héros en particulier, nous allons donc assister à l'impact que pourrait avoir l'apparition d'un remède à la zombification sur un monde infecté depuis trois longues années et dont les habitants se sont peu à peu habitués à cette apocalypse.
Ironiquement, l'auteur imagine que le remède est né du sang Lakota : après avoir été quasiment éradiqués par les maladies des hommes blancs, ces Amérindiens risquent donc bien de devenir la source du salut de l'espèce humaine !
Le story-board a été confié à Benoît Dellac (Nottingham, Mages, Serpent Dieu, Nains, Orcs et Gobelins, Merlin, Sonora, Lignes de front, L'homme de l'année, Le cinquième évangile, Black Lord, Les Seigneurs de guerre, Missi Dominici) dont on ne peut que reconnaître l'efficacité et qui joue ici énormément sur de larges cases horizontales ouvrant grand un panorama offrant la possibilité de mettre en place pas mal de personnages mais forçant le dessinateur à dessiner assez petit s'il compte y caser un plan américain ou plus encore. C'est un choix. Pour cet album, ça fonctionne bien, surtout sur les scènes de foules, de hordes ou de grands espaces.
Le dessin a ensuite été laissé à Evgeniy Bornyakov (You are obsolete, Descendent) qui a déjà donné non-vie à des zombies dans le comic Dead day. Dans un style semi-réaliste désormais très répandu mais de bonne facture, il nous livre des décors très crédibles et des personnages expressifs et très identifiables. Je regrette parfois une certaine uniformisation stylistique de ce genre de BD ; ça souffre à mon sens du manque d'une patte reconnaissable... mais c'est ici très bien fait et, dès lors, néanmoins agréable à lire. L'originalité vient davantage du propos que du trait.
Le tout est mis en couleurs par Simon Champelovier. Là aussi, c'est très classique et déjà vu mais c'est on ne peut plus correct. Rien à reprocher, des personnages jusqu'aux ambiances générales très bien rendues : ça roule !
Narration
Pour l'heure, nous suivons Joseph, Cassandra, Ruben et Toby, un quatuor de "no zombies" (comprenez anciens zombies redevenus humains) mandaté pour prêcher la bonne parole et passer d'une colonie de survivants à l'autre pour apprendre aux gens l'existence dudit remède et son fonctionnement.
Après injection, le sujet infecté se calme peu à peu. Son envie de chair humaine disparait lentement et son apparence redevient de plus en plus humaine. Au bout d'un moment dont la longueur est proportionnelle au temps que le sujet aura passé comme zombie, il commence à balbutier quelques mots puis récupère totalement ses facultés. Les zombies ne sont donc que des infectés, pas des morts. Il n'y a pas ici de résurrection... Un zombie vraiment mort ne peut être relevé et une blessure létale amènera le patient à mourir juste après sa guérison, là où son statut de zombie pouvait, par contre, lui permettre de continuer à tenir le coup.
Néanmoins, même quand l'opération réussit, les no zombies font encore des cauchemars où reviennent en flash les exactions qu'ils ont commises en tant que zombies...
Ce sont ses souvenirs cauchemardesques que suit Joseph, dans le but de retrouver son grand frère, lui aussi zombifié. Il fait toutefois croire aux autres qu'il piste, en bon traqueur indien qu'il est, les traces de survivants de différents camps... car il est peu probable qu'ils soient enthousiastes à l'idée de suivre Joseph dans cette quête personnelle alors qu'ils ont pour mission de tenter de sauver en ce monde en ruine ce qui peut encore l'être.
Les communautés de survivants réagissent toujours avec méfiance, jusqu'à ce que le petit groupe fasse démonstration de l'efficacité du processus sur un des leurs qui a été transformé et qui rôde aux alentours. Là, le soutien de la communauté se fait d'emblée plus évident... et pour cause !
Bien vite, nos quatre no zombies vont arriver à New Olympus, une ville futuriste utopique imaginée par une sorte de double fictionnel d'Elon Musk. La cité est un havre pour les survivants mais subit les incursions d'assaillants masqués redoutables. La cité tient grâce à pas mal de technologies innovantes et à une utilisation exclusive d'énergies renouvelables... l'on peut aisément y voir un message écologique assez pertinent : une apocalypse zombie n'empêchera jamais le soleil de briller ; alors autant se fier à l'énergie solaire !
Joseph retrouvera-t-il son frère ? Le groupe parviendra-t-il à convaincre le plus de monde possible qu'il existe une solution, que les zombies sont toujours des humains et qu'il est grand temps de cesser de les abattre ? Autant de réponses que cet album apportera bel et bien à ses lecteurs.
Univers
On en a bouffé, du zombie (amusant renversement de situation !), depuis le succès phénoménal et initialement mérité de The Walking Dead. Ouais, initialement... parce que, bon, au bout d'un moment, ça s'essouffle, ça s'asphyxie même carrément (voir notre article sur le cercle vicieux dans lequel la licence s'est enterrée) !
L'ambition de Kirkman avec The Walking Dead était de raconter ce qui se passe après la fin du générique d’un film de zombie. Eh bien No Zombies raconte ce qui se passe après une situation à la The Walking Dead dans un monde où les survivants ne sont pas tous occupés à s'entretuer (même si ça arrive ; la loi du plus fort, tout ça...) et où certains savants ont eu la bonne idée de se servir de leur matière grise pour autre chose que nourrir des macchabées.
Personnellement, j'ai toujours été surpris que Kirkman n'apporte pas de remède ni même d'explication à tout ce merdier... mais bon, comment s'en étonner ? Il s'est enfermé dans quelques thèmes et a tourné en rond comme un tigre-zombie dans sa cage (eh merde, ça me fait penser à l'innommable Army of the Dead de Zack "Slomo" Snyder, un film que je ne critique plus... par peur des fatwas de ses fans les plus aveuglés).
C'est une des raisons de ma bienveillance envers la série Z Nation (outre son côté régressif) qui nous offre un univers plus barré mais axé autour de l'espoir d'un remède (lui aussi contenu dans un sang particulier).
C'est une des raisons de ma bienveillance envers la série Z Nation (outre son côté régressif) qui nous offre un univers plus barré mais axé autour de l'espoir d'un remède (lui aussi contenu dans un sang particulier).
Ici, imaginez une Amérique équivalant à l'époque de The Walking Dead où les comportements des morts et des vivants étaient encore cohérents. L'apparition modeste d'un remède porté par quelques personnes apporte au récit une coloration bienvenue. La menace zombie reste mortelle à plusieurs reprises mais la simple morsure ne contamine plus les no zombies, ni ceux ayant pris le remède de façon préventive, sauf exception.
Le parallèle avec notre situation vaccinale est inévitable ! Les premiers échanges de Joseph avec les survivants me font douloureusement penser à ceux que j'ai tenté d'avoir avec des antivax... Mais Joseph a une arme argumentative de poids : il peut prouver ses dires et l'efficacité de son vaccin en quelques heures. Le veinard !
Crédibilité
Bien que dangereux, les zombies ne sont vraiment une menace, ici, que par leur nombre ou... leur corpulence. En effet (et trop de récits de ce genre l'oublient), 140 kilos de viande morte qui vous foncent dessus, c'est forcément plus dangereux qu'un zombie nourri de son vivant au Slim Fast. Je ferais un "Z" redoutable ! Capturer un zombie pour le soigner est loin d'être infaisable avec un peu de coordination et un plan potable. Le fait de ne pas en faire un monstre total et absolu renforce une idée toute bête que The Walking Dead exploitait déjà : dans ce genre de situation, la créature fantastiques et bel et bien un danger potentiel mais l'humain bien vivant est sans doute à surveiller de plus près encore ! Or, ici, on transforme le zombie en humain gardant des souvenirs de ses actes en tant que zombie... ça a du potentiel !
Aucune des créatures mortes n'apparaît comme par magie. Il y a toujours une explication à la présence ici ou là d'un ou plusieurs zombies et ça fait du bien : on est dans une approche assez réaliste qui vaut à la BD sa présence dans la collection Anticipation. On s'éloigne du genre horrifique, ce qui est assez logique dans un monde où cette menace est malheureusement connue depuis plusieurs années ; on s'habitue à tout... et donc aussi aux zombies.
Étrangement, d'ailleurs, je pense qu'il serait très compliqué de réaliser un film d'horreur impliquant des zombies à l'heure actuelle : la créature est tellement entrée dans notre inconscient collectif qu'il faudrait jouer sur de tous nouveaux ressorts pour recréer un malaise face à elle.
Une fois encore, on parle de cette histoire de morsure qui contamine... Pour citer Nolt (dans l'article Walking Dead : top 10 des vraies et fausses incohérences) : "Eh bien oui, si tout le monde est porteur du binz (puisqu’un individu non-mordu se transforme), il n’y a aucune raison pour qu’un coup de dents accélère le processus. A priori, c’est la mort qui entraîne l’activation de ce qui transforme le mort en zombie, pas un coup de molaires, même si elles ne sont pas très propres. Si ce genre de contact était dangereux, les survivants feraient attention par exemple à ne pas être aspergés de sang lorsqu'ils tuent des zombies. Or, ça ne semble leur poser aucun problème (au point qu'ils ne nettoient jamais leurs armes blanches !)".
J'ai toujours trouvé ça un peu nul et toujours imaginé que ça devait remonter à une hasardeuse analogie avec le vampire, autre mort-vivant dont la malédiction peut se refiler comme une MST dans un camp scout. Dommage.
À part ça, l'éventail des personnalités, des réactions et des moyens déployés pour survivre est ici assez important. C'est appréciable : dans une situation de crise, on trouve souvent des solutions assez inédites pour s'en sortir... et c'est ici évident : nombre de personnages ont tout misé sur tel ou tel atout qu'ils avaient ou ont entrepris d'acquérir pour résister au cataclysme. Cela les rend humains et intéressants ; ce ne sont pas de vulgaires PNJ suiveurs comme la majorité des hommes du Gouverneur ou de Negan, dans The Walking Dead, par exemple.
Juste pour rappel (et je mets ça ici parce que je ne sais pas où le caser), si vous aimez les éditions Soleil et les zombies, je vous conseille encore et toujours Alice Matheson pour son approche très personnelle et originale.
En conclusion, voici le tome 1 d'une quadrilogie bienvenue et qui amène un peu de renouveau à un thème pourtant pas mal usé, tant il est usité. Ce sera avec plaisir que nous jetterons un œil curieux aux histoires de Cassandra, Lila et Ruben, dans les mois et années à venir.
Aux zombiphiles en manque d'un regard neuf ou ayant déjà apprécié le travail de Peru sur ce thème, n'hésitez pas : c'est un bon cru.
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