Un Nouvel Espoir : Mike Ward l'emporte en Cour Suprême
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Il en aura fallu du temps pour qu'enfin le droit d'un humoriste à faire de simples blagues soit reconnu...
Retour sur un aspect essentiel de la liberté d'expression.

Nous l'avons vu à plusieurs reprises, en Amérique du Nord, la situation des auteurs, menacés par les SJW et la peste woke, est catastrophique. Entre les "experts" littéraires autoproclamés qui dictent aux romanciers ce qu'il est ou non possible d'aborder (cf. cet article) ou les autodafés au Canada (cf. cet article), nos amis d'outre-Atlantique ne sont pas vraiment à la fête. 
Au milieu de tout ça, depuis de nombreuses années, l'humoriste Mike Ward se débattait dans un imbroglio judiciaire l'accusant de s'être moqué de Jérémy Gabriel, personnage public qui reprochait à l'artiste d'avoir porté atteinte à son droit à la dignité et à l'égalité. 

Dans une vidéo à la fois digne et émouvante, Mike Ward a tenu à commenter la décision de justice qui, après 10 ans de combat, le libère enfin d'une pression épouvantable. Outre le fait qu'on lui réclamait 80 000 dollars (pour une blague), il faut savoir qu'il aurait pu très indirectement créer un dangereux précédent réduisant drastiquement la liberté des humoristes. L'affaire a d'autant plus de retentissement que Mike Ward est une énorme star au Québec, où son podcast Sous Écoute est devenu culte et a changé la donne en matière d'exposition médiatique. 

Plus intéressant, si l'humour de Mike Ward est considéré comme quelque peu "trash" au Canada, il faut bien se rendre compte qu'il s'agit de "trash" nord-américain, donc d'un humour qui paraît bien innocent pour les Français encore fans des Coluche, Desproges et autres Gaspard Proust. Mike Ward est en effet d'un politiquement correct assez exemplaire. Pour ceux qui suivent Sous Écoute, il ne sera pas difficile de constater que l'humoriste a intégré pratiquement tout le pack "politiquement correct" actuel, comprenant la culpabilisation des Blancs, la cancel culture (avec le fait de ne plus jamais mentionner ou encore moins travailler avec quelqu'un simplement soupçonné d'une attitude incorrecte ou d'un crime), la théorie de l'appropriation culturelle [1] et même le fait qu'imiter un accent est un acte "raciste". Difficile de faire plus aseptisé en théorie, mais malgré tout, Mike Ward est considéré par certains comme LE monstre insensible à abattre (ce qu'il n'est pas, son engagement désintéressé et discret pour diverses causes étant à mettre à son crédit). 

Dans la vidéo ci-dessous, ce qui est intéressant de noter, c'est que Mike dit clairement que ce combat d'une décennie a, d'une certaine façon, "scrapé sa vie". "Scraper" est un terme québécois, signifiant abîmer, détruire. Il a pris du poids, il a fait une dépression, il a pas mal picolé... et tout ça alors qu'il a le soutien des humoristes québécois, qu'il a une compagne aimante et qu'il n'est pas dans le besoin. Imaginez les dégâts lorsque l'on est seul, démuni et sans soutien face à une telle déferlante. 
Bien sûr, il ne s'agit pas de dire que tout est permis au nom de l'art ou de l'humour, les lois (souvent d'ailleurs inappliquées, cf. cette BD pédopornographique distribuée et vendue malgré l'évidence de son illégalité) doivent aussi protéger les particuliers, notamment de la diffamation. Il s'agit d'un juste équilibre à trouver, entre droit à la liberté des auteurs et droit de tout un chacun au respect.

Il faut bien comprendre également que l'on ne peut extraire un propos, inscrit dans un contexte et issu d'un long spectacle, et le considérer comme les dires de son interprète. Un humoriste, tout comme un acteur, joue un rôle lors d'une représentation, même dans un spectacle de stand-up, où il est supposé être lui-même et raconter des anecdotes personnelles (qui sont, au minimum, clairement revisitées et améliorées). 
L'humour noir que pratique Mike Ward est un genre particulier, qui évidemment ne convient pas à tout le monde. Mais faut-il prendre le risque d'interdire ce qui ne fait pas l'unanimité ? Parce qu'à ce moment-là, il ne va plus rester grand-chose.  

Vous avez le droit d'être choqués par Mike Ward. C'est le propre de l'humour noir : choquer pour dépasser l'horreur d'une situation et susciter les rires. Vous avez le droit de vous plaindre. Vous avez le droit de ne pas l'écouter. Mais cela ne vous donne pas le droit de le museler. C'est ça aussi être adulte : apprendre à faire la part des choses et à ne pas être terrassé par une blague ou une attitude qui semble déplaisante. 
Si demain l'on doit limiter l'art et la fiction au ressenti du plus fragile, il n'y aura plus d'art ni de fiction.
Nous sommes donc face à un choix de société. Accepter de ne pas toujours être d'accord avec tout ou tout interdire au nom de principes absurdes qui détruisent en prétextant protéger. Et pour ce coup-ci, c'est passé de justesse : 5 voix contre 4...
Ne croyez surtout pas que nous sommes à l'abri de ces dérives, les mêmes fanatiques sont à l'œuvre en France et en Europe. Des gens choqués par tout, capables du pire, car persuadés d'être les détenteurs d'une vérité absolue et d'agir au nom du Bien. Perso, je préfère avoir des ennemis qu'une foule qui veut mon "bien" à ce point-là...

En tout cas, félicitations Mike. Et bon vent à toi !






[1] On va faire simple pour que même les abrutis comprennent. S'approprier quelque chose, c'est mettre la main, indûment, sur un bien qui ne t'appartient pas. Si tu as 100 dollars, que je te mets un flingue sur la tempe et que je te les vole, je me suis approprié tes 100 putains de dollars, tu ne les as plus. Par contre, si tu as des dreads et que je décide de me coiffer comme toi (hypothèse farfelue vu la tronche que j'aurais), je ne te vole rien, je fais juste usage de mon droit à faire ce que je veux de mes cheveux (en fait, je n'ai pas de cheveux, enfin... plus, mais c'est juste un exemple). Pareil si je décide de porter un kilt (le mien, que j'ai acheté) ou de me foutre des anneaux dans le pif. Dans mon cas, pour les anneaux, il y a quand même peu de chances... mais disons que je ne m'approprie rien. Je fais juste ce que bon me semble, sans nuire à personne.