Enigma
Publié le
13.6.15
Par
Nolt
Au menu aujourd'hui, Enigma, une mini-série (en un seul tome) publiée par Urban Comics.
En général, le label Vertigo est synonyme de grande qualité. Il faut dire qu'il compte tout de même quelques excellentes séries, comme Fables, Y the last man ou encore Preacher. Mais évidemment, l'on y rencontre tout de même parfois des comics beaucoup moins bons, comme l'inepte et crétin Kill your Boyfriend de Morrison.
Tiens, justement, c'est ce même Morrison qui se tape la préface d'Enigma. En gros, il nous dit que tout y est génial, même le lettrage ou la colorisation. Je ne suis pas tout à fait du même avis...
Le scénariste à la manœuvre ici n'est autre que Peter Milligan, plutôt une bonne plume que l'on a vu prendre subtilement en main les destins de Namor, Toxin ou même des Red Lantern.
Le type fait partie des auteurs intelligents, insufflant du sens dans leurs écrits. Et on sent bien qu'ici, il a voulu livrer un récit de qualité, malheureusement, "complexe" n'a jamais été synonyme de "riche".
Il existe en gros deux sortes de mauvaises histoires. Celles qui sont simplement stupides (cf. le Kill your Boyfriend cité plus haut, ou encore War is Hell pour prendre un beau plantage d'un pourtant très bon auteur) et celles qui veulent à tout prix ne pas l'être (comme Magic Pen ou, là encore chez Vertigo, le tout aussi navrant Uncle Sam). Enigma fait partie de la seconde catégorie.
Il faut préciser que, même au sein de UMAC, tout le monde ne partage pas mon avis sur ce titre. Certains le considèrent comme un énorme classique. D'ailleurs, il est vrai que tout n'est pas à jeter.
Commençons par les dessins de Duncan Fegredo. Bien que la colorisation ne les mettent pas spécialement en valeur, il faut reconnaître que le style convient bien à l'ambiance fantastico-onirique. C'est assez inégal, certaines cases étant difficilement lisibles et remplies de gribouillis, mais il y a quelques planches vraiment jolies, qui font leur petit effet.
Quant au reste, on a vite fait le tour. Les transitions sont souvent très bien faites. Il y a également deux ou trois répliques plutôt marrantes et une ou deux scènes réussies. Sur plus de 200 pages, c'est quand même léger.
Voyons l'histoire dans ses grandes lignes. Michael Smith, un jeune type mou et insipide, se retrouve tout excité lorsque le super-héros de son enfance débarque en ville, dans la vie réelle, pour combattre des tueurs en série bien barrés.
Smith va faire équipe avec l'auteur des comics qu'il lisait enfant et tenter de comprendre pourquoi tous ces évènements le bouleversent tant.
Sur le papier, pourquoi pas ? Le pitch n'est pas si mal et certains auteurs, comme Carey dans son The Unwritten, ont parfois brouillé avec habileté les frontières entre réalité et fiction. Le problème vient du traitement de cette histoire, ampoulée et terriblement prétentieuse.
On ne sait rien du narrateur (qui se dévoile à la fin, dans une sorte de pied de nez final (inutile de chercher à le démasquer, c'est impossible)), le personnage principal est aussi terne qu'irritant, l'histoire de l'Enigme est absurde, les "super-vilains" sont des caricatures kitsch et verbeuses, la thématique pourtant potentiellement riche est survolée, et enfin la symbolique est particulièrement absconse. L'addition est déjà salée, mais surtout, putain, qu'est-ce qu'on se fait chier !
A part lors de quelques rares scènes un peu plus sympa, où l'intérêt décolle péniblement avant de retomber très vite, Milligan s'enferre dans une démonstration lourdingue, égocentrée et dénuée du moindre intérêt.
En fait, l'on a la douloureuse impression que l'auteur privilégie la forme et les effets de manche plutôt que l'éventuel fond. Or, la forme se devrait d'être travaillée, dans l'idéal, après avoir une idée, même vague, de ce que l'on souhaite démontrer ou simplement évoquer.
Le travail sur la forme doit rendre le discours élégant mais il ne le remplace pas. On nous dit sur la quatrième de couverture que Milligan explore avec maîtrise et un regard incisif les thèmes de la création, de l'identité ou de la folie. Mais qu'en fait-il de ces thèmes, si ce n'est les regrouper dans un salmigondis indigeste et vain ?
Il convient ici d'apporter une précision importante : on peut vraiment prendre un immense plaisir en lisant des comics (ou des livres en général) intelligents et riches, mais il ne faut pas confondre complexité et richesse, ou prétention et intelligence.
C'est un Oiseau, Les Seigneurs de Bagdad, Blankets, voilà des exemples d'œuvres riches, qui explorent des thématiques sérieuses dans des genres très différents. Et elles sont pourtant limpides et agréables.
Milligan lui-même, avec bien moins d'esbroufe, a su insuffler un véritable propos intelligent dans bien des séries mainstream (citées en début d'article), et ce sans faire ce genre de démonstration gênante.
Il existe trop de comics véritablement magistraux, poignants et subtils pour que l'on puisse sérieusement voir dans Enigma autre chose qu'un moment d'égarement.
Très largement dispensable.
En général, le label Vertigo est synonyme de grande qualité. Il faut dire qu'il compte tout de même quelques excellentes séries, comme Fables, Y the last man ou encore Preacher. Mais évidemment, l'on y rencontre tout de même parfois des comics beaucoup moins bons, comme l'inepte et crétin Kill your Boyfriend de Morrison.
Tiens, justement, c'est ce même Morrison qui se tape la préface d'Enigma. En gros, il nous dit que tout y est génial, même le lettrage ou la colorisation. Je ne suis pas tout à fait du même avis...
Le scénariste à la manœuvre ici n'est autre que Peter Milligan, plutôt une bonne plume que l'on a vu prendre subtilement en main les destins de Namor, Toxin ou même des Red Lantern.
Le type fait partie des auteurs intelligents, insufflant du sens dans leurs écrits. Et on sent bien qu'ici, il a voulu livrer un récit de qualité, malheureusement, "complexe" n'a jamais été synonyme de "riche".
Il existe en gros deux sortes de mauvaises histoires. Celles qui sont simplement stupides (cf. le Kill your Boyfriend cité plus haut, ou encore War is Hell pour prendre un beau plantage d'un pourtant très bon auteur) et celles qui veulent à tout prix ne pas l'être (comme Magic Pen ou, là encore chez Vertigo, le tout aussi navrant Uncle Sam). Enigma fait partie de la seconde catégorie.
Il faut préciser que, même au sein de UMAC, tout le monde ne partage pas mon avis sur ce titre. Certains le considèrent comme un énorme classique. D'ailleurs, il est vrai que tout n'est pas à jeter.
Commençons par les dessins de Duncan Fegredo. Bien que la colorisation ne les mettent pas spécialement en valeur, il faut reconnaître que le style convient bien à l'ambiance fantastico-onirique. C'est assez inégal, certaines cases étant difficilement lisibles et remplies de gribouillis, mais il y a quelques planches vraiment jolies, qui font leur petit effet.
Quant au reste, on a vite fait le tour. Les transitions sont souvent très bien faites. Il y a également deux ou trois répliques plutôt marrantes et une ou deux scènes réussies. Sur plus de 200 pages, c'est quand même léger.
Voyons l'histoire dans ses grandes lignes. Michael Smith, un jeune type mou et insipide, se retrouve tout excité lorsque le super-héros de son enfance débarque en ville, dans la vie réelle, pour combattre des tueurs en série bien barrés.
Smith va faire équipe avec l'auteur des comics qu'il lisait enfant et tenter de comprendre pourquoi tous ces évènements le bouleversent tant.
Sur le papier, pourquoi pas ? Le pitch n'est pas si mal et certains auteurs, comme Carey dans son The Unwritten, ont parfois brouillé avec habileté les frontières entre réalité et fiction. Le problème vient du traitement de cette histoire, ampoulée et terriblement prétentieuse.
On ne sait rien du narrateur (qui se dévoile à la fin, dans une sorte de pied de nez final (inutile de chercher à le démasquer, c'est impossible)), le personnage principal est aussi terne qu'irritant, l'histoire de l'Enigme est absurde, les "super-vilains" sont des caricatures kitsch et verbeuses, la thématique pourtant potentiellement riche est survolée, et enfin la symbolique est particulièrement absconse. L'addition est déjà salée, mais surtout, putain, qu'est-ce qu'on se fait chier !
A part lors de quelques rares scènes un peu plus sympa, où l'intérêt décolle péniblement avant de retomber très vite, Milligan s'enferre dans une démonstration lourdingue, égocentrée et dénuée du moindre intérêt.
En fait, l'on a la douloureuse impression que l'auteur privilégie la forme et les effets de manche plutôt que l'éventuel fond. Or, la forme se devrait d'être travaillée, dans l'idéal, après avoir une idée, même vague, de ce que l'on souhaite démontrer ou simplement évoquer.
Le travail sur la forme doit rendre le discours élégant mais il ne le remplace pas. On nous dit sur la quatrième de couverture que Milligan explore avec maîtrise et un regard incisif les thèmes de la création, de l'identité ou de la folie. Mais qu'en fait-il de ces thèmes, si ce n'est les regrouper dans un salmigondis indigeste et vain ?
Il convient ici d'apporter une précision importante : on peut vraiment prendre un immense plaisir en lisant des comics (ou des livres en général) intelligents et riches, mais il ne faut pas confondre complexité et richesse, ou prétention et intelligence.
C'est un Oiseau, Les Seigneurs de Bagdad, Blankets, voilà des exemples d'œuvres riches, qui explorent des thématiques sérieuses dans des genres très différents. Et elles sont pourtant limpides et agréables.
Milligan lui-même, avec bien moins d'esbroufe, a su insuffler un véritable propos intelligent dans bien des séries mainstream (citées en début d'article), et ce sans faire ce genre de démonstration gênante.
Il existe trop de comics véritablement magistraux, poignants et subtils pour que l'on puisse sérieusement voir dans Enigma autre chose qu'un moment d'égarement.
Très largement dispensable.
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