Kaamelott - Volet 1
Publié le
23.7.21
Par
Nolt
En fait, l'attente fut si longue que mon intérêt pour l'univers créé par Alexandre Astier s'était largement émoussé. De plus, la saison 6, clairement la moins bonne, ne m'avait pas laissé un souvenir émerveillé. Cette dernière, contrairement au Livre V, épique et émouvant, avait en effet enchaîné les longueurs et les approximations. Sans compter Kaamelott Résistance, initialement la saison 7, prévue en nouvelles illustrées (un format presque aussi absurde que ceux que nous avions abordés lors de ce poisson d'avril), qui n'a jamais vu le jour sans que l'on comprenne bien pourquoi. Ajoutons en plus le désastre d'une Exoconférence mal écrite, mal mise en scène et aux affirmations risibles, ce qui n'avait rien de rassurant. Tout cela pour dire que je suis probablement l'un des rares fans de la série d'origine à être allé au cinéma en traînant les pieds et avec un énorme a priori négatif.
Mais au final, je suis bel et bien ressorti avec le sourire aux lèvres. Parce que Kaamelott premier volet fait illusion. Et malheureusement, ce n'est bien que cela : une illusion qui ne tient pas le choc d'un deuxième visionnage.
Tout commence huit à neuf ans après la fuite d'Arthur, alors qu'il a remis volontairement le pouvoir entre les mains de Lancelot du Lac. Ce dernier n'a pas franchement fait preuve de sagesse puisqu'il règne en despote, a fait détruire la table ronde et traque les anciens chevaliers, fidèles à son prédécesseur. Lancelot emploie même des mercenaires saxons afin de retrouver Arthur, dont il veut la tête. Fort heureusement, le "fils Pendragon" est retrouvé par un type qui, poussé par l'appât du gain, va le vendre au bon Duc d'Aquitaine (alias Alain Chabat). Duc qui, malgré la réticence d'Arthur, va tenter de le ramener à la raison et d'insuffler de nouveau en lui le feu sacré...
Sans nul doute, Kaamelott profite de cette transposition sur grand écran. Voilà pourquoi le spectateur est impressionné au départ. Tout y est plus grand, plus fort, plus beau. Il y a eu du pognon de mis sur la table, et l'on voit clairement où il est passé. Les décors sont variés et ont de la gueule, quant aux costumes, ils mériteraient à eux seuls une analyse (et un César ?) tant ils sont pour beaucoup dans l'atmosphère générale et le charisme de certains personnages, Lancelot en tête. Thomas Cousseau n'a en effet jamais été aussi inquiétant, engoncé dans une tenue étrangement spectrale et aviaire.
En ce qui concerne les nouveaux personnages, ils sont assurés par un casting de haut vol, Sting, Guillaume Gallienne et Clovis Cornillac en tête. Mention spéciale pour les Saxons, tous parfaitement incarnés par des acteurs anglais dont l'accent apporte une inattendue et angoissante touche de dureté.
La musique, composée par Astier, contribue elle aussi au souffle épique parfois présent. Car bien entendu, nous ne sommes plus dans le schéma des premières saisons, teintées de légèreté et ciselées par des dialogues enlevés. Kaamelott, en prenant de l'âge, est devenu plus sombre, plus complexe, et dévoile ses ambitions. Cette quête initiatique, nous la connaissons. C'est le squelette narratif de Star Wars, du Seigneur des Anneaux et de bien des romans et films. La différence ici tient en deux particularités : c'est français et l'humour et le second degré constituent l'un des piliers du récit, ce qui est rarissime dans cet affrontement classique du Bien contre le Mal et apporte un agréable contraste entre le propos et la forme. Voire même un brin de réalisme, les gens étant plus souvent des trous du cul qui ne comprennent rien à rien, plutôt que de nobles, preux et intelligents chevaliers.
L'on navigue donc entre le sinistre et le risible, l'émotion (notamment lors d'une scène de rapprochement entre deux protagonistes centraux) et le décalage, le lyrisme et les répliques terriblement prosaïques. Tout cela aurait pu fonctionner si l'on n'avait pas l'impression constante de redite qui vient entacher les échanges entre tous les personnages connus. Fan service, radotage ou manque d'inspiration ? En tout cas, la plupart des dialogues tombent à plat.
Et ce n'est pas tout, le film se trimballe même plusieurs très gros défauts.
Tout d'abord, l'on peut noter la scène du jeu du Pays de Galles. Un classique pour ceux qui connaissent la série, décliné ici dans une version plus "physique". Le problème c'est que ce n'est ni drôle, ni original, ni même intéressant. L'on peut comprendre le côté "fan service", mais quand on emploie un ressort déjà surexploité, il vaut mieux s'assurer que l'on en propose une vision nouvelle, ou au moins au niveau des précédentes, sinon c'est une facilité coupable. Là, ça plombe en plus le film juste avant un moment crucial.
Dans la même veine, il faut souligner que Perceval et Karadoc n'ont guère de moments drôles et semblent presque s'autoparodier dans leur rôle de chefs de clan. Notons d'ailleurs que les meilleurs répliques sont attribuées à Quarto et Alzagar, les personnages déjà connus se contentant de paraphraser ce qu'ils ont déjà dit par le passé (que ce soit Loth, Dagonet ou même Léodagan). Étonnant tout de même, pour un auteur qui fait du "sur-mesure" et accorde une grande importance aux dialogues, de n'avoir pas réussi à transcender ses habitudes et ce côté "déjà-vu". Surtout en ayant bénéficié d'autant de temps...
Quant à Arthur, il demeure bloqué dans son aspect le plus irritant, à savoir un personnage dépressif, bougon et démissionnaire, qui se laisse porter par les événements. On a vu mieux comme "héros".
Enfin, et c'est sans doute l'élément qui pose le plus de problèmes, la menace à laquelle Arthur et ses alliés sont confrontés reste tout de même assez peu impressionnante. Bien entendu, Lancelot est inquiétant, Horsa aussi, mais globalement, on ne voit guère les conséquences de cette politique que l'on nous présente comme monstrueuse. On nous dit bien, au détour d'une conversation, que Lancelot fait exécuter des enfants, mais c'est un peu léger et cela reste de l'ordre de la rumeur. Même les sbires de Lancelot, bénéficiant pourtant de fort esthétiques tenues, n'interviennent qu'en coup de vent, et sans montrer de sauvagerie particulière. Or, tout l'enjeu est là. C'est le "méchant" qui fait l'épaisseur du héros. [1] Si l'adversaire n'est pas à la hauteur, si la menace perçue n'est pas suffisamment importante, Arthur n'en ressort pas grandi, ou en tout cas pas suffisamment, ce qui est quand même le but.
Ceci dit, l'on comprend que différents éléments sont déjà en place pour de futurs développements, et l'on peut espérer une montée en puissance des enjeux et un plus grand soin apporté aux ennemis et à la dramatisation dans les suites à venir, mais c'est clairement très mal parti.
Au final, pour les fans les plus exigeants, on peut parler de sentiment mitigé, surtout après une telle attente. Astier, dépassé par un projet devenu peut-être trop grand pour lui, échoue totalement à donner une dimension lyrique et épique à son œuvre phare. Pire, il ne parvient plus à amuser ou surprendre avec ce qu'il maîtrisait naguère, à savoir les échanges inspirés et les nombreuses passes d'armes entre les personnages. Tout cela, passé l'agréable découverte de cette déclinaison "deluxe" au niveau de la forme, s'avère bien pauvre et maladroit, l'auteur ne réussissant pas à élever son écriture à la dimension de ses nouveaux décors XXL.
Terriblement décevant.
Terriblement décevant.
[1] Ou "l'ombre" selon la terminologie mise en place par Vogler (cf. ce dossier), théoricien auquel se réfère souvent Astier.
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