JLA : Power & Glory
Publié le
3.3.24
Par
Vance
Power & Glory est un arc narratif complet centré sur la série Justice League of America et qui marque le "retour triomphant" d'un certain Bryan Hitch aux affaires : le dessinateur britannique s'était un peu écarté de son domaine de prédilection en répondant aux sollicitations de la BBC (pour la série Doctor Who) et de J. J. Abrams pour le relaunch de la franchise Star Trek au cinéma. Cependant, Hitch était toujours sous contrat exclusif avec Marvel depuis son run exceptionnel sur The Ultimates (2002) et il a fallu attendre 2015 pour qu'il reprenne en main l'un des titres phares de DC Comics.
Cette fois, le projet est nettement plus ambitieux : fort de ses brillantes collaborations avec Mark Millar (Ultimates) et Warren Ellis (The Authority), il se lance dans l'écriture avec ces 10 épisodes sur lesquels il reçoit l'appui artistique de Daniel Henriques, Andrew Currie et Wade von Grawbadger pour citer les plus connus. Sans doute un moyen de rassurer les éditeurs qui connaissent la réputation de lenteur de Bryan Hitch : il avait déjà du mal à assurer les délais quand il n'avait la charge que des crayonnés, qu'est-ce que ça allait être avec le poids du scénario en prime ?
Sur ce plan, il faut reconnaître que l'auteur a su tirer la quintessence de ses précédentes expériences : Power & Glory est loin d'être anecdotique et, s'il peut se lire sans une trop grande connaissance de la continuité (on se situe juste avant l'event "DC Rebirth"), il se fonde sur des personnages profondément ancrés dans l'imaginaire collectif. On peut supposer que tous les scénaristes de comics ont eu envie un jour de se frotter à des légendes comme Batman (Hitch réalisera quelque temps plus tard ce rêve-là, justement, avec The Batman's Grave), Superman, Spider-Man ou Captain America. Des héros qui ont émerveillé leurs tendres années, mais avec lesquels on ne peut pas faire n'importe quoi.
Le voici donc aux commandes de la puissante JLA et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y va pas de main morte. Dès le début, après un préambule volontairement obscur où Superman se prend une rouste (un aperçu de la tragédie qui sera annoncée), nous suivons Clark répondant à une invitation émanant de l'Infinity Corporation de New York. Il y découvre deux jeunes scientifiques qui connaissent son identité secrète, ce qui le place immédiatement sur la défensive, et cela ne va pas s'arranger puisqu'ils sollicitent son aide à propos d'une affaire qui les rend perplexes : quelle n'est pas la surprise du Kryptonien lorsqu'ils lui dévoilent une pièce dans laquelle s'entassent des dizaines de cadavres de Superman ! Le peu d'informations qu'ils acceptent de fournir est rien moins qu'inquiétant : grâce à d'étranges pierres "chantantes", ils ont eu un aperçu de leur futur où Superman meurt et l'humanité disparaît. De quoi interloquer notre héros encapé mais il n'a pas le temps de trouver une explication à leurs ratiocinations : son équipe est engagée dans une lutte sans merci à Metropolis contre le Parasite, un être qui se nourrit de leur énergie. Le combat est âpre et tourne court mais à peine le temps de panser les plaies et de trouver où sont passés certains des membres de la JLA qu'une autre nouvelle vient interloquer Superman : un être surpuissant vient d'arriver sur Terre. Il se fait nommer Rao, et il personnifie l'ancien dieu des Kryptoniens. Il prétend être venu sur Terre pour y dispenser le bonheur, la paix et la félicité - et notre Superman, contre toute attente (et surtout l'avis d'un Batman toujours aussi suspicieux), se fait son héraut. Pendant ce temps, Flash et Green Lantern se matérialisent sur une autre planète et Wonder Woman dans une Olympe dévastée et vidée de son panthéon...
Power & Glory, après une lente mise en place, finit ensuite par présenter sa construction non linéaire : nous suivrons les pérégrinations de tous les protagonistes (même Aquaman, malgré sa présence un peu moins importante que celle des autres) dans leur trame spatio-temporelle propre. Dans le présent, il y a ce dieu, Rao, qui convertit à tour de bras et procède par miracles et révélations afin de convaincre les masses, bien aidé par un Superman totalement converti à sa cause. Dans l'ombre, Batman, toujours fidèle à sa réputation, requiert l'aide de Cyborg pour tenter de comprendre le mystère entourant cette pseudo-divinité à laquelle il n'adhère tout simplement pas. Flash se retrouve pris dans une boucle temporelle et Lantern propulsé dans un lointain passé. Avant de finir par se retrouver, ils vont chacun apporter un petit élément de réponse dans le mystère entourant Rao et son statut divin, les Pierres d'Éternité, la disparition programmée de l'humanité dans un cataclysme non encore élucidé et le rôle joué par les curieux membres de l'Infinity Corp., beaucoup trop intelligents pour être honnêtes (le côté "petit génie" arrogant de Vincent rappelle furieusement celui d'Amadeus Cho chez Marvel).
Une histoire qui pourrait ainsi être passionnante, d'autant que la séparation des membres de la JLA leur permet de s'exprimer plus librement, d'avoir des pans entiers du script qui leur sont entièrement consacrés. Pourtant, la sauce a du mal à prendre, l'on se perd souvent en conjectures et les liens tardent à se concrétiser entre les continuums (les différents lieux et époques, dont on sait que chacun aura des répercussions sur les autres). On a l'impression d'assister à un film de Chris Nolan mais sans la bande originale de Hans Zimmer - car les combats, pour nombreux qu'ils soient, manquent cruellement de substance.
De fait, l'un des principaux points faibles tient dans le graphisme : le côté habituellement soigné et dynamique de Hitch semble ici poussif, avec un encrage qui confère aux personnages une finition plus grossière que d'habitude. C'est uniquement dans les gros plans qu'on retrouve la grâce du dessinateur des Ultimates, avec un style qui rappelle celui d'Alan Davis pour les visages. On sourira aussi devant les choix de représentation des héros, avec un Green Lantern qui emprunte clairement ses traits à Ryan Reynolds. Néanmoins, les conflagrations manquent d'impression de puissance et surtout le pouvoir de Flash est très mal illustré. Quant au finale, on est loin de l'apothéose annoncée, des mystères demeureront entiers et on restera globalement sur notre faim surtout au niveau des choix de narration utilisés. Ce n'est pas que ce soit mal écrit (Bryan Hitch fera bien pire quelques mois plus tard), c'est juste que lorsqu'on voit où tout cela va nous mener, on finit par s'en foutre un peu.
Disponible depuis 2017 en édition hardcover sur du beau papier glacé, voici une mini-série qui aurait pu être grandiose et s'avère simplement délassante - donc forcément décevante.
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