Cemetery Beach
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Où l'on parle d'action, d'esthétique, de mondes en perdition,
de narration, d'explosions,
 de dystopie et de tartes dans la gueule. 

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Cemetery Beach
est un comic dystopique mouvementé signé Warren Ellis et Jason Howard et paru chez Urban Comics dans leur collection Indies.

Michael Blackburn est un éclaireur du genre tête brûlée. Il a été envoyé en mission d'observation sur une colonie autarcique implantée sur une exoplanète.
Malheureusement, l'endroit lui est carrément hostile (ce qui était prévisible, de la part d'une colonie ne souhaitant plus donner de signes de vie) et il a été écroué. 
Le gouvernement totalitaire des lieux ne nourrit sans doute aucune envie de voir débarquer chez eux une armée terrienne déterminée à revendiquer ce monde et tout laisse donc à penser que le sort de Michael est scellé... 
Mais c'est compter sans les aptitudes du bonhomme qui n'hésitera pas une seconde à employer la manière forte pour s'évader, embarquant dans sa fuite Grace Moody, une jeune détenue amatrice d'homicides, pour jouer le rôle de guide indigène.
Il seront confrontés aux défenses de cette colonie à la fois futuriste et archaïque (les gars sont là depuis la fin de la seconde guerre mondiale et n'ont pas évolué dans le même sens que nous) et à la hargne de son président, Barrow, sorte de gros dictateur au physique proche de la vision qu'avait David Lynch du Baron Vladimir Harkonnen.
Ça va mutiler, égorger, étrangler, éclater des tronches, courir, voler, bondir, faire exploser des trucs et balancer des vannes et des punchlines comme dans un vieil actioner des années 80. Si vous cherchez de l'intelligence ou de la finesse, de la poésie ou du second degré... fuyez, pauvres fous ! Si vous êtes en manque de testostérone et d'adrénaline, par contre, ça peut faire la blague ; à condition de n'être pas trop regardant sur tout ce qui ne va pas...
Parce que, à mes yeux, le brave Warren Ellis (qui bossa par exemple sur Strange Killings chez Avatar Press, Gotham Knights chez DC, Vampirella chez Harris, Daredevil, Generation X, Iron Man, Carnage, Wolverine et Doctor Strange chez Marvel, The Authority et Gen 13 chez Wildstorm et bien, bien, bien d'autres titres, cf. notre grand dossier sur l'auteur) signe ici un scénario certes multivitaminé mais néanmoins terriblement paresseux.


Il va falloir que je m'explique, je le crains...
Je suis de ces gens insupportables qui vous affirmeront, en vous regardant droit dans les yeux, que Mad Max Fury Road est un film parfaitement dispensable, voyez-vous...

Je sais, nombre d'entre vous vont vouloir m'arracher les yeux et les faire frire dans de l'huile de moteur frelatée pour cette seule déclaration mais qu'ils me laissent au préalable m'expliquer un peu... et nous verrons ensuite si ces messieurs-dames sont encore suffisamment remontés pour prendre le risque de m'approcher avec une cuillère à café spéciale, modèle "énucléation 3000".

Je sais pertinemment que le film est beau, que la mise en scène est efficace et inventive et que les effets spéciaux sont bluffants, je sais aussi qu'il porte un message et je reconnais la qualité de jeu des comédiens. Oui, oui, on est d'accord sur tous ces points. Et si ça vous suffit, grand bien vous fasse !
Mais ce n'est pas mon cas. J'ai besoin d'une vraie histoire avec un certain nombre de péripéties, avec quelques surprises et rebondissements, avec autre chose, en somme, qu'un aller-retour dans le désert parsemé de scènes d'action. C'est moi ; ce sont mes besoins...
Souffrez que je pense ainsi et souffrez d'une intense douleur au poignet si vous ne posez pas immédiatement cette cuillère chauffée à blanc !

Pour moi, Cemetery Beach a ce défaut majeur en commun avec le dernier Mad Max : comme il en faut plus que de la violence et des explosions pour me divertir, je me suis ennuyé à sa lecture.

Par contre, pour rester parfaitement objectif, si vous êtes de ceux qui peuvent se contenter de courses-poursuites, de badaboums, de panpans et de fausse décontraction, il me faut ajouter un défaut et une qualité à mon avis sur cette BD.

Premièrement, ce n'est pas beau.
Ah, désolé, mais Jason Howard est capable de vachement mieux ! Il a dessiné Invincible, quand même... et sa version des Tortues ninjas de 2011 n'était pas dégueulasse...
Là, j'ai l'impression que le mec a la dalle et manquait de quelques dollars pour s'offrir un bol de nouilles chinoises, alors, il a dessiné ce comic pour mettre du beurre dans les épinards.
Vous comprendrez que ça ne m'aide pas à apprécier l'objet : ça se situe globalement entre "pas beau" et "un peu moche", et certaines cases paraissent même carrément ratées. Regardez simplement cette couverture, sans déconner : ça vous fait envie, vous ?

Deuxièmement... je dois bien avouer que j'aime un tas de petites idées sur la caractérisation de l'univers. Il y a plein de petits détails qui m'ont plu dans la description de cette exoplanète qui a évolué d'une autre façon que sa Terre jumelle. Mais c'est anecdotique, ici ; ce n'est que la toile de fond. Et c'est très dommage parce qu'il y avait là un matériau intéressant.
 

Inutile de m'éterniser sur Cemetery Beach. J'aurais aimé aimer... parce que je vois en ce monde un potentiel très sympa. Mais inexploité. Narrativement, tout au plus peut-on trouver distrayante la complicité naissante entre les deux fugitifs. Mais un univers sympa n'étant là que pour abriter la folle fuite de deux personnages plus ou moins intéressants au prétexte d'un message assumé mais maladroitement défendu, ça ne me suffira jamais. Sinon, j'aimerais Fury Road.


Oh, zut, pardon... encore une dernière chose, vraiment parce que je cherche un peu de bien à dire de ce comic : il termine sur une galerie de couvertures alternatives et chacune d'elles pastiche plutôt habilement des œuvres de la BD internationale. Ça, c'est pas mal. J'aime particulièrement les versions d'Akira, de Sin City et de Batman façon Animated serie, toutes trois ci-dessous... Mais quand on connaît de tels monuments, on en tire des leçons, au lieu de juste leur rendre hommage. Et on pond une histoire un minimum intéressante, boudiou ! 

+ Les points positifs - Les points négatifs
  • L'univers malheureusement sous-exploité n'est pas inintéressant.
  • La relation entre les deux personnages centraux fonctionne bien.
  • Ça bouge ; pour ceux qui n'en cherchent pas davantage, ça doit suffire.
  • C'est scénaristiquement indigent.
  • C'est graphiquement bâclé.
  • Ça bouge... mais c'est à peu près tout.